A family history blog in French and English

Sanford-Springvale, Maine, Railroad Station, early 1900s. Collections of the Sanford-Springvale Historical Society.

Introduction et Commentaire sur la Texte

[copyright 2017: Dennis M. Doiron]
À la fin du printemps 1908 et depuis presque dix-huit ans, Télesphore Demers habite aux États-Unis. Quand il est arrivé à la gare de Sanford-Springvale, Maine en 1890 avec sa femme, Henriette, et tous leurs neuf enfants survivants, il avait été fermier pendant plus de trente ans dans les petites paroisses de Saint-Julien et Saint-Fortunat-de-Wolfestown, Québec, d'abord sur la ferme de son père, puis sur sa propre ferme. Mais, ce n'était pas une chose facile de gagner la vie sur une ferme dans les contreforts des montagnes Appalaches canadiennes. Donc, Télesphore, comme les centaines de milliers d'autres Canadiens de l'époque, a cherché une vie meilleure dans une des villes de manufactures en essor de la Nouvelle Angleterre.  
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Henriette et Télesphore Demers, vers 1908.
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Chez Télesphore Demers est une des premières familles canadiennes à Sanford. Télesphore devient rapidement un chef de la communauté francophone, comme il était à Saint-Fortunat où il avait été élu le premier maire à l'âge de 24, une membre de conseil de l’écoles, et avait servi comme justice de la paix pendant les années 1880 jusqu'à son départ pour les États-Unis. À Sanford, il ne semble pas être actif dans les affaires municipales, mais il l’est dans l'église et la Société Saint-Jean-Baptiste. Particulièrement, il est un des chefs des efforts réussis dans la pétition adressée à l'Évêque du Diocèse de Portland pour établir la paroisse de Saint Ignatius et dans la demande à la famille Goodall, propriétaire des grandes manufactures de Sanford, pour une concession de terre en vue d'établir le cimetière catholique de Saint Ignatius. Et il est aussi actif en encourageant ses compatriotes canadiens à devenir citoyens des États-Unis.
La famille Demers habitait une année dans une maison ou appartement loué à Springvale, une secteur de la municipalité de Sanford, avant le déménagement à une maison dans le secteur de la ville connu dans l'époque comme Sanford Village près de moulins à Sanford. La maison à Rue Allen, maintenant Avenue Pioneer, est achetée pour 950 $ et payée entièrement par 1896. D'abord, Télesphore travaille comme charpentier sur les moulins nouveaux pour l'entreprise en croissance de Goodall Mills. Plus tard, il travaille dans les constructions résidentielles à Sanford et les hôtels et maisons d’été dans les villages balnéaires en plein essor près de Sanford.
Télesphore est un homme d'environ six pieds en hauteur, aux large épaules et bien musclé. Selon son petit-fils Edmund Demers, il parle avec une voix forte, mais pas rauque et, bien sûr, avec un bon accent Québécois. Et il aime bien de raconter les mêmes histoires encore et encore avec une voix animée qui monte et tombe comme nécessaire aux besoins de l’histoire.
Contrairement à son père et sans doute presque tous de ses ancêtres, il est lettré. Mais il avait reçu une éducation de seulement quatre années dans une école de rang avant ses treize ans. À cause de cette éducation, il peut écrire son livre de notes de voyage qui était finalement mis en forme par sa fille, Odelie. Nous n'avons pas la copie de ses notes originales, mais dans le seul document connu de sa main, il y a beaucoup de mots écrits avec une orthographe phonétique et une écriture rudimentaire. On peut imaginer facilement Odelie et Télesphore à travailler ensemble sur ses notes bien qu'elle écrive les notes finales avec son écriture soignée et claire.
Malgré le fait qu'il ait habité presque soixante ans en Maine, Télesphore n’a jamais parlé anglais, même qu'il était le chef d'autres charpentiers qui étaient anglophones. Edmund Demers m’a raconté que lorsqu’il avait environ dix ans, son père, Odias, l’a emmené avec pépère Télesphore à une exhibition agricole à Alfred, Maine, un village voisin de Sanford. Quand ils ont regardé une pièce, un homme anglophone a approché Télesphore et, en souriant, lui a serré la main et a dit, « marteau, marteau ». C'était sa façon de dire qu'il avait travaillé avec lui autrefois et qu’il lui a appris quelques mots français du métier.
Avec l'approche de l'été de 1908, Télesphore doit avoir senti que le temps était bon pour une visite au son pays natal. Son plus jeune enfant, Odias, a quatorze ans et peut être laissé aux soins d'autres membres de la famille, et il a les moyens financiers d'y aller des mois et mois sans travailler. Donc, lui et Henriette planifie une grande promenade pour visiter la parenté, y compris leur fils aîné et homonyme qui était un colon dans le nord lointain du Québec au Lac Saint-Jean, et assister la fête de la tricentenaire de Québec. Pendant le voyage, il écrira avec fidélité le journal quotidien de son voyage, les gens qu'il rencontre, et les choses qu’il fait, un journal semblable à celui que sa fille Odelie a écrit pendant sa promenade en 1898.

C’est n’est pas surprenant qu'un journal d'un homme de soixante ans soit différent de celui d’une femme célibataire de 26 ans. Les notes d’Odelie concernent ses expériences directes et actuelles, particulièrement ses rencontres avec les jeunes gens et les soirées avec sa sœur. (On sent qu’un mobile pour le voyage est la recherche pour un mari, particulièrement ses rencontres avec son cousin, Fortunat.) Ses notes, donc, sont orientées sur le présent, le « maintenant » de son voyage, alors que celles de Télesphore ne concernent pas que son voyage à travers le Québec, mais un voyage à travers le temps au passé. C'est un voyage où il enregistre son propre passé et celle d'Henriette, mais aussi le passé de leurs parents et autres ancêtres. Et à cause du tricentenaire, il prend un voyage même plus large et plus profond dans l'histoire de Québec.

Qu'il l'ait voulu ou non au commencement du voyage, sa promenade était, donc, en grande partie une promenade du souvenir par un membre de la grande famille Demers du Canada qui y était présente depuis 1643 ou 1644. Le voyage dans le passé commence avant son arrivée à Saint-Fortunat, quand il visite Saint-Nicolas sur là rive sud de la fleuve Saint-Laurent, le village où son père et tous ses ancêtres Demers après 1666 étaient nés, et aux villages voisins de Saint-Antoine-de-Tilly, Saint-Gilles, et Saint-Agapit. C'est à Saint-Agapit où il est né et a grandi jusqu'à ses douze ans.   

Un des passages les plus émouvants montre comment la promenade a viré vers un voyage du souvenir. Pendant son séjour à Saint-Antoine-de-Tilly, il visite la ferme à Saint-Nicolas d'un oncle qu'il n'a jamais rencontré, Désiré Lamontagne, un demi-frère de sa mère. À l'époque, la ferme est dans la famille Lamontagne depuis deux cents ans (et elle reste toujours dans la famille), et l’oncle Désiré est en train de faire la rénovation totale de la vieille maison. Télesphore décide immédiatement d'aider pour plusieurs jours. Un soir, il reste toute la nuit à la ferme et écrit:  


À huit heures du matin, je me rend chez mon oncle Désiré Lamontagne pour travailler avec les ouvriers à la réparation de la vieille maison où ma vieille mère était née. C’était une fête pour moi d’avoir l’honneur de mettre la main à ces travaux. C’est la deuxième fois qu’elle est refaite à neuf. Nous avons eu une belle journée cet après-midi, il fait beau soleil. Nous avons passé la soirée à parler des modes et du vieux temps. À dix heures, on se met au lit heureux de penser que cette demeure d’aujourd'hui est l’ancienne masure de bois qui à abriter ma vieille mère au jour de sa naissance et même pendant plusieurs années. J'étais loin de penser quand je suis parti de Sanford pour ma promenade qu’on me réservait ce plaisir ou, plutôt, cet honneur.

Télesphore va raconter plusieurs fois cette histoire de la réparation de la maison à son petit-fils Edmund Demers dans son enfance, et on peut supposer qu’il l'a raconté à nombreuses fois aux autres. Évidemment, c'était un événement de haute importance pour lui.

Cependant, Télesphore n'écrit pas que du passé. Il enregistre aussi les visites de la famille et amis, ses intérêts dans l’agriculture et autres affaires économiques, comme l'industrie minière en plein essor dans la région de Thetford Mines, les manufactures et canaux à Berlin, N.H. et Lewiston, Maine, la croissance de Sherbrooke, Québec, et la colonisation de la région du Saguenay-Lac Saint-Jean au nord de Québec et celle de Saint-Eleuthère au sud de Rivière du Loup.

Peut-être à cause de sa plus grande expérience de la vie et la longueur de son voyage, ainsi que sa manière plus informelle de s'exprimer, les notes de Télesphore montrent un plus grand vocabulaire et l'emploi de plus d’expressions idiomatiques que les notes d’Odelie, particulièrement les mots et expressions du milieu du Canada. Pour ceux, comme moi, avec un intérêt dans la langue française du Canada, les notes fournissent beaucoup de passages linguistiques intéressants, comme :

« On se fait la barbe, ensuite nous partons pour aller rendre visite au grand-père Guay. »
« À deux heures [de l’]après-midi, nous sommes allés prendre une marche sur la grève. Sa batture a plus d’un mille de long. »
« Je vois partout des clairances en bon ordre. Les terres ont changées de moitié dans le voisinage. »
« Plusieurs se sont rincé la ‘ dalle du cou ‘ à bon marché. »
« Dans l’avant-midi, j’ai rencontré M. Olivier à la fromagerie. Nous avons pris une bonne ‘ jasette ‘. »
« Par ici, on prend un coup, [il] parait que la tempérance n’est pas à la mode du jour, toujours que Janvier s’est lâcher lousse, et nous avons veillée jusqu'à onze heures. »

Après lisant et relisant de nombreuses fois les notes de Télesphore, je ne peux pas m'empêcher de me demander sur sa motivation d'écrire un tel journal détaillé quotidien, particulièrement parce qu'il ne pouvait pas de le faire facilement avec son éducation limitée. Je connais très peu de gens aujourd'hui avec leur meilleure éducation qui aurait la volonté ou la ténacité de maintenir un journal semblable, même avec l’aisance relative d'écrire avec les outils électroniques disponibles aujourd'hui.  
On imagine qu'il était inspiré par les notes de voyage écrites en 1898 par Odelie de sa promenade au Québec, et qu’il a écrit ses propres notes afin qu’il puisse revivre la promenade et la partager avec ses enfants. Mais il fournit telle d'information sur son passé et le passé de ses ancêtres qu'on se demande s’il avait aussi l'intention que les notes seraient lues par ses petits-enfants et arrières-petits-enfants et les générations éloignés avec le but qu'ils n’oublieraient jamais leur héritage canadien, y compris la langue française. Soit qu'il ait eu une vraie intention ou non, tel avait été l’effet sur moi, et j'espère qu’il en sera ainsi avec les autres qui liront son journal.
Comme avec Le Livre de Notes de Voyage d’Odelie, je vous souhaite une bonne promenade, mais cette fois-ci avec Télesphore comme votre guide.
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Traduction française de l’Introduction d’Edmund Demers écrit en 1990 Pour Des Notes de Voyage de Télesphore Demers
Ce manuscrit de 18 000 mots, maintenant dans la possession de ma cousine, Oline Doiron, de Sanford, Maine, écrit par notre grand-père, Télesphore Demers, pour témoigner les événements de sa promenade au Canada en 1908.
Télesphore Demers, 1847-1950, est né à St-Agapit, P.Q. Son père, Damase, est né à St-Nicolas, P.Q., siège ancien de la famille Demers. En 1838, Damase s'est marié Euphrosine Bacquet dit Lamontagne. En 1869, Télesphore s'est marié sa cousine au troisième degré, Henriette Hélène Lamontagne. Les liens étroits avec la famille Lamontagne sont miroités dans les nombreuses références aux membres de la famille Lamontagne dans les Notes de Voyage.
Télesphore était cultivateur à St-Fortunat, comté de Wolfe, P.Q. Malgré son éducation maigre, quatre ans de tutelage par le curé de sa paroisse, il était un chef dans sa communauté rurale. Une brève vita à sa main est dans un appendice du journal.
Il a quitté Canada pour les État-Unis avec sa famille de neuf enfants en 1890 ; trois filles étaient mortes en enfance et un fils serait né plusieurs années après l’arrivée à Sanford, Maine. Son cousin, Honoré Demers l'y a précédé, mais il paraît plus tard dans le livre de notes, étant retourné au Canada s’établir à St-Samuel.
L'occupation de Télesphore aux États était la charpenterie. Les hôtels et maisons d'été sous construction dans les balnéaires du comté de York, Maine, en plein essor à cause des tramways électriques, à donner l'emploie pour plusieurs années. De son compte du salaire perdu à conséquence de son voyage, nous déduisons que ses gages étaient un peu moins que cinquante dollar par mois.
Avec cette perspective, la dépense de 175 $ pour le voyage et sa duration souligne son importance dans la vie de mon grand-père. Maintenant, il possède sa propre maison à Sanford, les enfants sont mariés ou au travail pour gagner la vie, Québec va fêter son tricentenaire, donc il était bon temps de faire une « grande promenade » et un pèlerinage, un voyage en vaut d’écrire.
Le livre de notes prend 120 pages écrites étroitement et soigneusement dans un cahier ligné en bleue par sa fille aînée, Odelie Demers Dubois, qui avait été institutrice dans une école au Canada. C'est ce qui explique le haut niveau d'orthographe et grammaire dans le livre. Si aucunes autres révisions sont faites, c'est impossible de le dire.
Bien visibles dans le livre sont les rapports de temps chaque matin et soir et les enregistres des arrivées et départs en accorde avec sa montre fiable de Waltham en or. De Berlin, N.H., au nord du Lac St-Jean, et passant par Rivière du Loup à l’est et plus loin à Bath, Maine, ce n'est pas surprenant que Télesphore et Henriette aient voyagé 1 843 milles du 4 juin à 15 octobre 1908.
On souhaite pour les détails plus descriptifs, néanmoins, le livre nous informe de quoi a dû être l'expérience de centaines, sinon des milliers, de Franco-Américains quand ils sont embarqués sur la « grande promenade au Canada ».

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