A family history blog in French and English

Sanford-Springvale, Maine, Railroad Station, early 1900s. Collections of the Sanford-Springvale Historical Society.

Partie 5 : À Saint-Fortunat, Saint-Samuel et Leurs Environs

[copyright 2017 : Dennis M. Doiron]
Août le 1er. Beau temps et beaucoup de boucane avec une forte odeur de terre brûlée.
On nous apprend ce matin que c’est le village de Notre-Dame-de-Lourdes qui brûle encore. À une heure et trente minutes, nous voyons le feu se rallumer de nouveau. Victor s’empresse de mettre deux charges de foin en grange pour venir nous conduire à Saint-Fortunat. À quatre heures et trente minutes, nous nous embarquons pour Saint-Fortunat. Le long de notre route, nous avons vu mettre le premier grain en grange. Nous sommes arrivés chez
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Narcisse [Girard] à neuf heures et trente minutes. Avant d’arriver à la maison, on voyait la lumière et, rendu à la porte, elle était éteinte. Ils venaient de se mettre au lit, mais nous les avons fait lever de suite. Narcisse était assez excité qu’il mit ses pantalons, comme la chanson dit, sans devant derrière. Ils étaient tous assez bien. Nous avons continué la veillée jusqu'à onze heures. Après quoi, nous leur avons laissé reprendre leur sommeil. Le temps est beau et froid.


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Narcisse et Julie Lamontagne Girard, une soeur d’Henriette Demers,
devant leur maison à Saint-Fortunat, vers 1905.
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Août le 2. Ce matin le temps est sombre, mais à neuf heures il fait beau soleil.
Nous assistons à la messe. J’ai pressé la main à une foule de gens que je connaissais encore après dix-huit ans d’absence et beaucoup d’autres que je ne connaissais plus, mais qu’eux me reconnaissent encore très bien. À douze heures et trente minutes, nous sommes de retour chez Narcisse. Dans l’après-midi, nous avons visité le jardin et les alentours de la maison.

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Tous les parents et plusieurs amis viennent nous faire une visite. Nous avons veillé jusqu'à onze heures. Le temps est encore bien beau.


Août le 3. Le temps est beau.
Nous voyons passer les charroyeurs de lait à la fromagerie. À midi, je vais mener Marie au village et, comme il y avait du conseil, je me suis permis d’y assister. On avait la révision du rôle d'évaluation et, comme toujours, du trouble pour des comptes d’inspecteurs. J’ai vu que c'était encore la même routine à Saint-Fortunat. Je reçois une lettre de Cyriac Dumont qui nous apprend que le pardessus d’Henriette a été retrouvé. À six heures du soir, je retourne chez Narcisse. Le temps se couvre et annonce l’orage. Henriette a fait son lavage. À dix heures du soir, la pluie nous arrive.


Août le 4. Nous avons eu un fort orage de tonnerre et d'éclair à cinq heures ce matin. À six heures et trente minutes, il tombe encore quelques gouttes de

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pluie, et à huit heures le soleil paraît de temps à autre.
À deux heures [de l’]après-midi, j’ai écrit à Télesphore et aussi à Narcisse Lamontagne pour mon baptistaire, ensuite, je vais faire une visite sur la terre de Narcisse qui est bien améliorée depuis ma dernière visite en été. À mon retour à la maison, je mange les premières carottes ; elles sont petites, mais bonnes. À six heures et trente, il fait beau, mais le soleil paraît que difficilement. Nous allons chez M. Letourneau pour veiller, mais nous faisons vilaine, la porte est fermée à clef.  Nous revenons chez Narcisse à huit heures. Nous recevons une lettre de Virginie, qui nous apporte des nouvelles de Sanford. À dix heures, on se couche. Le temps est bien noir.


Août le 5.  À six heures ce matin, nous avons eu un fort orage de pluie et la pluie continue de tomber tranquillement tout l’avant-midi. C’est une petite pluie qui fait un grand bien.

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Elle était désirée par tous les cultivateurs.
À midi, il fait une grosse pluie, temps bien favorable pour dormir que je me suis dit.  Je suis allé me coucher sur le foin. J'étais pourtant bien, et je n’ai dormi que trois heures ! Je suis revenu à la maison à cinq heures. Le soir, nous sommes allés passer la soirée chez Joseph Girard. Nous avons discuté trois sujets: la culture, les chantiers, et les chemins doubles. Nous sommes revenus à dix heures. Chez Narcisse nous accompagnait. Le temps est sombre, pour mieux dire, bien noir.

Août le 6. Pas de soleil, encore le temps nous annonce une mauvaise journée. À neuf heures, le temps est clair et le soleil bien chaud.


Télesphore à côté d'Odelie en promenade au Québec en 1919. Les autres femmes sont inconnues. Bien qu'incertain, il semble montrer une maison d'une ferme au sixième rang à Saint-Fortunat. L'écriture dans le coin supérieur gauche semble dire au départ, avec départ séparé en deux syllabes. À gauche derrière la voiture, on peut voir une autre maison et une grange.
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Je me rends au sixième rang. À neuf heures et demie, je mets le pied sur mon ancienne terre, là où j’ai coulé plusieurs journées d’un travail dur. J’ai trouvé tout en bon ordre excepté un petit morceau qui est en bois aujourd’hui et où j’ai coupé du beau grain
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quand je l’occupais. À dix heures et dix minutes, je suis venu m'asseoir pour me reposer à l’endroit où était la maison qui m’a abrité à l'âge de douze ans jusqu'à l'âge de trente ans, là où j’ai coulé des jours heureux. Je puis dire comme l’histoire, on [n’]était pas riche, mais on était heureux. Je vois partout des clairances en bon ordre. Les terres ont changé de moitié dans le voisinage. Je suis allé visiter la place de notre première maison bâtie en mil[le] huit cent cinquante-neuf et dont le feu a détruit de fond en comble en mil[le] huit cent soixante et six. Mais nous ne voyons aucune trace de l’habitation.
À onze heures et trente, je me rends chez Janvier. La fille est seule, toute la famille est occupée à la culture du foin. Je prends le dîner, ensuite je me rends leur aider à râteler du foin au petit râteau à travers les souches. Ça me fait rappeler l’ancien temps d’autrefois. À cinq heures et trente, la journée est finie. Je suis

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fatigué, j’aime à retourner à la maison. Chez Narcisse et chez Arsène sont venus passer la soirée avec nous autres.


Les enfants de Janvier et Marguerite Lamontagne à Granby, Québec.
Arrière rangée : Joseph, Herménégilde, Arthur, Alphe, et Émile.
Première rangée : Arsène, Émilia, Leonie, Noëlla et Pierre.
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Août le 7. Le temps annonce encore de l’orage.
Les premiers qui ont du foin de couper s’empressent de le mettre en grange avant-midi. Moi, je suis allé à la boutique de forge faire ferrer le cheval de Janvier. Je suis de retour à midi. Il mouille. Je ne suis pas bien. J’ai mal à une jambe, une enflure rouge qui « m'agace ».
À quatre heures de l'après-midi, nous allons rendre visite à Joseph Pelletier. Nous les trouvons bien de bonne humeur. Madame Pelletier, quoique malade, fait encore sa part d’ouvrage. Ici, nous voyons un fermier bien monté. Le soir, ses enfants sont venus veiller. Quand ils sont tous rassemblés, c’est comme une noce. C’est une famille qui paraît s’aimer. On voit une bonne entente entre eux. Pendant la soirée, il tombe un fort orage accompagné de tonnerre et d'éclairs qui dure plus d’une heure.
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Après que, les visiteurs se sont retirés, chacun chez eux. Moi et Joseph, nous parlons jusqu'à onze heures.


Août le huit. Le temps est encore sombre.
Ce matin, nous parlons tous les quatre jusqu’à dix heures du matin. Le temps se passe vite, il fait bon de se rappeler le bon vieux temps. Nous sommes allés prendre le dîner chez Joseph Lemay. Francis Masse était en promenade. Le temps se remet au beau, le soleil paraît. À cinq heures, nous nous rendons chez Assène Lamontagne. Les amis viennent passer la soirée avec nous autres. À neuf heures et demie du soir, nous prenons une marche jusque chez Narcisse.


Août le 9. Temps froid et sombre.
Nous assistons à la messe. Je reconnais toujours d’anciens amis, heureux de les revoir après plusieurs années d’absence. Henriette a reçu son pardessus. À midi, il fait beau soleil. Nous allons prendre le dîner chez Stanislas Laitres qui paraît
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tous bien contents de nous voir. Stanislas nous reçoit à cœur ouvert. Nous avons pris le dîner dans la maison où nos enfants sont nés et aussi où mon père et ma mère sont morts. Après-midi, nous sommes allés visiter le jardin. Le verger, j’ai trouvé cela mieux que j’ai vu les années précédentes. À quatre heures de l’après-midi, nous allons aux cerises sur les équarts du ruisseau. Elles sont assez hautes que nous avons de la difficulté à les avoir. La maison est assez en bon ordre, mais la cuisine et la grange sont près de tomber. Nous avons passé la soirée seul à parler du bon vieux temps où nous vivions voisins. Il fait beau temps.


Août le 10. Temps sombre ce matin.
À neuf heures, nous nous rendons chez Joseph Alain. Il est occupé à couper du foin. Il a deux hommes engagés. Je suis allé les rejoindre à l’ouvrage. Le soleil paraît par intervalle. Après-dîner, nous avons pris du verre de « Champagne Canadien ». Nous nous sommes

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bien amusés tous les quatre tout l’après-midi et la soirée, qui est un peu fraîche. Ils sont obligés de faire du feu. Nous avons veillé jusqu'à onze heures.


Août le 11. Beau soleil et chaud. À neuf heures, il tombe quelques « gouttes » de pluie.
À neuf heures et trente minutes du matin, nous partons pour aller rendre visite à M. Fréchette de la Clairance. Il n’est pas chez lui, il est allé à Sherbrooke voir sa fille qui est religieuse. Nous sommes très bien reçus par son fils, Elzéard qui est marié à la fille de Stanislas Laitres. Nous sommes allés visiter le jardin et les alentours, tout est bien beau. Ils paraissent vivre heureux à leur aise. À deux heures [dans l’]après-midi, nous revenons chez Théode Gosselin, mais nous trouvons la porte fermée à clef de sorte que nous nous sommes rendus chez Narcisse. Le soleil est bien chaud. J’écris à Joseph Lambert et à Cyriac Dumont. À six heures du soir le
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temps est bien laid à voir. Il se prépare un fort orage de tonnerre qui nous arrive à huit heures du soir.


Août le 12. Beau soleil ce matin.
Narcisse est parti pour aller mener une charge de fromage à Stanfold [maintenant, Princeville]. À dix heures [de l’]avant-midi, je me permets quelques heures de bon sommeil. À deux heures [de l’]après-midi, je me rends voir le grand-père Girard. Il est aux champs. Il travaille encore à la culture du foin malgré les soixante dix-huit ans qu’il porte sur ces épaules et la chaleur accablante qu’il fait. Il est encore assez alerte mais bien sourd. À quatre heures de l’après-midi, je me rends chez Janvier à l’autre bout de leur terre. Il ne leur reste plus qu’une charge de foin à mettre en grange. Le temps est sombre. À sept heures, nous reprenons notre promenade chez Théode Gosselin. Nous les avons trouvés tout bien de bonne humeur.


Août le 13. Il a mouillé toute

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la nuit.
À neuf heures, nous partons pour aller chez Joseph Bourassa. Il fait une bonne pluie qui se continue tout l’avant-midi et encore quelques petites ondées dans l’après-midi. Ils étaient tous en bonne santé et paraissent vivre assez bien. Je vais faire une visite sur sa terre. Elle est en bon ordre, le grain est bien moyen. Il garde des cochons pour le commerce. À sept heures du soir Eusèbe Lamontagne et sa dame, D’Assise Guay et sa famille sont venus nous faire une veillée de minuit. Nous nous sommes bien amusés. Nous avons parlé de tout à qui intéressent les cultivateurs.


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Joseph Bourassa, mari de Delvina Demers Bourassa, vers 1885-90.


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Delvina Demers Bourassa, la plus jeune sœur de Télesphore, vers 1885-90.


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Angelina, Wilfred, et Georges Bourassa, vers 1900,
les enfants de Roland and Delvina Bourassa.
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La maison de Josesph et Delvina Demers Bourrassa, le chemin de setpième rang au sud du village, vers 1900-1910. Les gens sont inconnus, mais peut-être la femme à la droite est Marie Demers Aubin, la veuve d’Hilaire Aubin et une sœur de Télesphore.
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Août le 14. Le temps est sombre et froid.
À neuf heures, je reçois mon baptistaire. Il fait beau pour le foin tout l’avant-midi, mais à midi il mouille assez pour mettre une bonne rosée. À deux heures et quinze minutes, la rosée est tombée. Je suis allé manger des bluets, des framboises et des cerises à grappe. Ma jambe se tient
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toujours enflée sans trop me faire souffrir. À quatre heures de l’après-midi, je me rends chez D’Assise et Simon Guay. Ils sont occupés à la culture du foin. En se rendant à la grange avec une charge de foin, ils ont renversé leur charge. Ils ont du très beau grain. Ici, je vois une jeune famille enrichie de deux belles petites jumelles, c’est bien fin de les voir dans leur berceau. Elles ont trois mois. C’est M. Simeon Guay qui en est le « trésorier ». Nous avons passé la soirée avec eux autres. Il mouille à verse toute la soirée.


Août le 15. Il fait un beau soleil.
Simeon coupe le dernier foin qui lui reste à cultiver. Cette journée, je vais voir la terre de D’Assise au huitième rang. Il a dix acres de terre sur quatorze de profondeur, terre bien planche, et une bonne maison neuve de dix sur vingt pieds. On se fait la barbe, ensuite nous partons pour aller rendre visite au grand-père Guay. En passant, nous sommes entrés chez Narcisse et
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avons pris le dîner, ensuite nous nous rendons chez le père François Guay. Nous sommes arrivés à trois heures et trente minutes de l’après-midi. Pauvre vieux, ils étaient si contents de nous voir qu’ils ont pleuré. Ils sont encore bien portants et ont leurs bonnes idées tous les deux, mais le vieux est bien sourd, mais aussi porte-t-il une couronne de quatre-vingt-dix ans de dur travail.
Nous sommes allés visiter la place de la maison où Henriette a grandi, là où nous avons fait nos amours. Nous sommes allés manger des cerises dans leur jardin. Les voisins viennent passer la soirée avec nous autres. Nous couchons dans la maison là où nous avons commencé notre lune de miel.


Août le 16. Il fait beau soleil.
Nous partons pour aller à la messe à l'église de Saint-Julien. C’est une chapelle temporaire qui remplace la vieille église brûlée depuis quatre ans. La petite chapelle en bois brute est construite sur le
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même plan que l’ancienne. La paroisse est en discorde au sujet de la place de la nouvelle église. C’est ici que je me suis marié et aussi où les quatre plus vieux de nos enfants ont reçu le baptême. Après la messe, j’ai rencontré plusieurs personnes qui j’avais déjà connues. J’ai trouvé que le village avait très peu changé.
Ensuite, nous nous sommes allés au Lac Noir [maintenant, Thetford Mines] avec chez Janvier rendre visite à Paul Fortier, un de leur gendre. Nous avons fait fausse route. Notre trajet fut de trois milles plus long de sorte que nous sommes arrivés qu’à deux heures [de l’]après-midi. Nous avons été très bien reçus. Édouard Laflamme était rendu avec sa femme, encore un gendre de Janvier. Ils paraissent faire une assez bonne vie, tous les deux. Plusieurs sont venus dans l’après-midi. Ils avaient tout la tête un peu réchauffé de whiskey du Canada, de sorte que ça « filait » pour parler de politique.
Le soir, nous
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sommes allés veiller chez Edouard Laflamme. Par ici, on prend un coup, [il] paraît que la tempérance n’est pas à la mode du jour. Toujours que Janvier s’est lacher lousse, et nous avons veillé jusqu'à onze heures. Après quoi, nous nous sommes séparés, une partie couche ici chez Laflamme et l’autre partie va coucher chez Paul Fortier.


Août le 17. À matin, il mouille.
Nous avons pris une partie de cartes, moi et Janvier contre Narcisse et Fortier. Nous nous sommes bien amusés tout l’avant-midi. Après-dîner, je suis allé voir Louis Lallier. Je l’ai trouvé bien gros, mais Mme Lallier n'était pas très bien. Ils paraissent bien vivre. Il continue de mouiller à cinq heures. Nous sommes allés voir Arthur Gosselin qui demeure près de la station. Ils ont une jolie petite maison. J’ai trouvé la place bien changée. Aujourd’hui, le village est incorporé. Les mines d'amiante et de
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fer donnent la vie à de nombreuses familles. La pluie continue de tomber toute la journée et la soirée.


Août le 18. Ce matin le soleil paraît.
Arthur s’en va à son ouvrage. À huit heures du matin, nous allons rendre visite à William Cookson. Nous sommes très bien reçus par sa femme, Amanda Laitres [une fille de Stanislas Laitres]. Ils paraissent à bien vivre. À neuf heures et trente, nous partons pour Saint-Pierre-de-Broughton. Le temps est nuageux. À dix heures et quarante-cinq minutes, nous arrivons à Broughton. Les charretiers nous demandent deux piastres et demie pour faire un trajet de six milles de chemin. À l’hôtel, on nous a servi un très bon dîner pour vingt-cinq centins et je paye deux piastres pour nous faire conduire chez Pierre Plourde. Sa femme Exelia Demers était seule à la maison. Pierre était allé à un levage de bâtisse. Ils sont bien installés, et c’est une belle place pour un moulin. Ici, le grain est presque tout mûr,
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les fermiers ont déjà fait moudre du grain nouveau. Le moulin est mis en fonction par une « turbine ». Il possède, aussi, vingt-huit arpents de terre.
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Exilia Demers Plourde, une fille de Théodore, le frère aîné de Télesphore,
et Philomene Lamontagne, une soeur d’Henriette. Vers 1890-95.
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Août le 19. Temps sombre.
Après-déjeuner, on fait boucherie d’une poule qui est condamné au pillage pour le dîner. Il mouille tout l’avant-midi, mais après-dîner le temps se met au beau. À trois heures encore de la pluie jusqu'à six heures, après quoi le temps se met au beau. Pierre me fait visiter sa terre et sa sucrerie, qui est bien bâtie et qui n’est seulement pas à huit arpents de la maison.  Ici, la première terre de Broughton se trouve du comté de Beauce. Nous allons passer la soirée chez Pierre Thibodeau. Nous avons joué aux cartes jusqu'à onze heures. Ce soir, il fait froid. On gèle.


Août le 20. Beau soleil et froid.
À huit heures et trente minutes du matin, nous partons pour la station. À dix heures
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nous laissons Broughton pour Saint-Évariste. Nous arrivons à onze heures et trente minutes du matin chez Nazaire Demers. Tous les hommes sont à l’ouvrage, nous les trouvons tout assez bien.
En arrivant, nous faisons la rencontre des gens de Sanford. Le temps est froid, il y avait de la glace ce matin à la station de Tring. Le village de Tring est un beau village. Il y a trois moulins pour séparer la pierre d’avec l’amiante. Ici à Saint-Évariste, le village fait des progrès rapidement. Le village est beaucoup changé depuis ma dernière visite. Chez Arthur et Alfred viennent passer la soirée avec nous autres. Nous avons joué aux cartes jusqu'à une heure.
Ce soir, il fait bien froid.


Août le 21. Temps froid et sombre.
Arthur et Alfred viennent passer une partie de l’avant-midi avec nous autres. À onze heures, ils ont décidé de nous accompagner à Saint-Samuel chez Honoré. Nous sommes partis
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En attente de la permission de publier la photo.
Cliquez au-dessous pour voir l´image.
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Carte postale.
Saint-Évariste, vers 1910-20.


Collection numérique de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) :




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à onze heures et trente minutes de Saint-Évariste et sommes arrivés à une heure et trente minutes de l'après-midi à Saint-Samuel. Narcisse est à la station pour nous recevoir. Sinaï travaille à la station [comme] deuxième agent. Nous les avons trouvés tout assez de bonne humeur et en bonne santé. À trois heures, nous commençons à visiter le jardin, le verger et le moulin. Ils avaient un verger qui leur rapportait des fruits et l’an dernier les arbres ont tout séché. Après-souper, nous prenons une bonne partie de cartes. À onze heures, nous faisons la prière du soir pour se coucher.


Août le 22. Beau soleil et chaud.
On se prépare pour un pique-nique au champ de bleuets. Nous partons à neuf heures et trente minutes du matin. Nous sommes trois voitures de quatre personnes chacune. À onze heures [de l’]avant-midi, nous sommes dans le champ de bleuets. Il fait bien chaud. Nous travaillons jusqu'à deux heures et trente minutes. Nous avons
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une boîte et des sceaux. Nous avons fait une assez bonne ramasse. Nous avons fait poser des portraits sur le champ. À cinq heures, nous sommes de retour et à six heures et trente, Pierre Plourde arrive avec sa famille. Après-souper, nous prenons une partie de cartes. À huit heures, il nous arrive un fort orage de tonnerre, les éclairs nous aveuglent, et la pluie tombe par torrent. À minuit, on se prépare pour se coucher. Il mouille encore. Les garçons vont coucher à la grange sur le foin.


Août le 23. Le temps est bien beau.
Plourde et Honoré sont à visiter le moulin, tous les deux. Plourde est un homme à moulin comme eux autres. Il aime à faire de chefs-d’oeuvre. Nous allons à l’église. Nous nous rendons visite le moulin neuf, moulin à scie et à carde, et il contient aussi d’autres machines. C’est un gros moulin. Ensuite, nous assistons à la messe. C’est une belle église en pierre bien finie. L’office dure deux heures et demie. Nous [ne] sommes de retour
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qu’à une heure de l’après-midi.
Le temps est bien. Après-dîner, il se joue une partie de pelotes, ils sont deux garçons d’un côté et un de l’autre. À quatre heures la partie est finie, neuf à un. Nous partons pour aller manger des bleuets. Arthur et Nazaire se plaignent du mal de dents. À six heures et trente minutes, nous faisons le tour de l'île en chaloupe. Étant de retour, nous avons joué aux cartes jusqu’à onze heures et trente minutes.


Août le 24. Beau soleil et froid.
Honoré part pour aller conduire Nazaire, Arthur et Sinaï à la station. À huit heures du matin, Pierre Plourde part pour Saint-Évariste. À une heure et trente, il est nuageux et de petites ondées de temps à autre. À quatre heures [de l’]après-midi, nous sommes rendus à Saint-Évariste. On se rend chez Arthur. Nous laissons les femmes à la maison parler de mode et nous nous rendons
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aux trottes. Nous avons vu deux trottes dans les « trois et trente ». Il fait bien beau. Pierre Plourde est chez Nazaire. Nous passons la veillée chez Arthur. Tous les Demers et les Beaudoin passent la soirée chez Nazaire.


Août le 25. Il fait beau soleil.
À midi, nous posons des portraits chez Nazaire dans les galeries et chez Arthur dans sa boutique. À deux heures [de l’]après-midi, nous allons aux trottes. C’était bien intéressant, les chevaux étaient de la même capacité. Ils sont arrivés assez ensemble qu’il leur a fallu reprendre la trotte, et, encore, c’est au plus s’il y avait un pied de différence entre les deux chevaux. C’est rare de voir aussi égale de force, c'était bien beau à voir.
À sept heures du soir, nous allons chez Alfred. Nous prenons le souper en compagnie de son grand-père et un de ses beaux-frères de Lambton. Après la veillée, nous allons coucher chez Arthur, tandis qu’Honoré et sa femme passent la nuit chez Alfred.
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Portrait de l'ensemble sur la galerie chez Nazaire Demers, 25 août 1908. Debout : Rose Anna Demers, Alphonsine Demers, Nazaire Demers, Lea Beaudoin,Sinai Demers, Albina Beauregard et Arthur Demers. Assis : Honoré et Victoria Demers, Télesphore et Henriette Demers.

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Août le 26. Il fait beau, mais pas de soleil.  Le temps est froid.
Nous prenons le déjeuner chez Alfred. À onze heures, nous partons pour un pique-nique dans un bocage cyprès. Nous avons fait cuire notre dîner sur le terrain du pique-nique. On s’était procuré toutes les liqueurs voulues et aussi des cartes. Nous nous sommes très bien amusés. À quatre heures de l’après-midi, nous sommes de retour. Le temps est beau et froid. Nous prenons le souper chez Nazaire. À neuf heures on se couche.


Août le 27. Temps brumeux. À neuf heures avant-midi, beau soleil, assez chaud.
À onze heures et trente minutes, chez Honoré partent pour Saint-Samuel. Avant-midi, nous allons visiter l'église. C’est une belle église de campagne, un bon village. Notre voiture était traînée par deux chevaux. Après-dîner, nous partons pour Saint-Hilaire-de-Forsyth. Nous avons pris le dîner chez Nérée Beaudoin. Ils avaient un bébé de mourant.
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Nous revenons passer la soirée chez Arthur, nous avons joué aux pommes. Les femmes prennent part à la partie. Nous avons joué jusqu’à onze heures et trente et nous sommes venus passer le reste de la nuit chez Nazaire.


Août le 28. Il fait bien beau soleil.
À huit heures et trente minutes, nous partons pour Disraeli. Nous voyons les fermiers occupés, les uns à cultiver le foin, les autres du grain. Nous arrivons à la Jonction [probablement Tring-Jonction] à dix heures, et à midi nous sommes arrivés à Disraeli. Nous sommes allés prendre le dîner à l’hôtel, et à deux heures Janvier arrive. Nous nous rendons chez Baptiste Dubois à deux heures et trente minutes. Nous les avons trouvés bien vieux. Sofrenie a bien mal aux jambes, elle ne peut presque pas marcher. Nous sommes allés voir sa terre. Nous avons pris une marche de trois heures. Il a une bien belle terre, quarante arpents de pointe. À dix heures du soir, on se couche. Le temps fait beau.
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Août le 29. Temps brumeux. À huit heures du matin le soleil paraît.
Nous partons pour Saint-Fortunat. Nous sommes arrêtés prendre le dîner chez le père Anicet Croteau. Il parait un peu brisé par les quatre-vingt ans qu’il porte sur ses épaules, mais sa femme qui n’en compte soixante-quinze a une figure de quarante ans. Phidelin Croteau et sa femme sont venus parler avec nous autres. C’était un plaisir pour nous autres de rencontrer avec d’anciens voisins intimes. Il fait beau et chaud, nous sommes arrivés chez Janvier à quatre heures et vingt-cinq minutes. Après-souper, nous nous rendons chez Narcisse pour coucher.


Août le 30. À cinq heures, il est tombé quelques gouttes de pluie, mais à sept heures il fait beau soleil.
À huit heures et trente minutes, nous partons pour aller à la messe avec Narcisse, c’est lui qui a toujours été notre charretier à Saint-Fortunat.
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Nous commençons à entendre parler d’élection. Les conservateurs ont fait une assemblée. Nous prenons le dîner chez le père Luc Gosselin qui commence à se faire vieux. Après-dîner nous sommes allés visiter le cimetière qui est en bien mauvais ordre. On dirait qu’il est abandonné. Les pierres avec leur inscription nous indiquent où reposent les corps de nos parents. C’est ici que nos pères et mères dorment leur dernier sommeil. Nous avons aussi trois jeunes enfants et plusieurs autres parents qui font partie ici de la grande famille des morts. Nous allons passer la soirée chez Joseph Côté. Le petit garçon est malade.
Il fait beau, mais les nuits sont fraîches. J'oubliais de dire que j’ai entendu la messe dans le premier banc que j’ai occupé à Saint-Fortunat.


Août le 31. Beau soleil et chaud.
À onze heures du matin, nous allons rendre visite à Joseph Laitres qui occupe la maison de feu Paul Vermette. Dans l’après-midi, je me rends
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chez Joseph Bourassa chercher deux lettres qui nous étaient arrivées pendant notre séjour à Saint-Samuel. Je reviens prendre le souper chez Joseph Laitres, et, à sept heures, nous nous rendons chez Narcisse. Personnes à la maison, nous les trouvons avec les vaches [à] occuper à faire le « ménage » du soir. Ils sont fatigués de leur journée. Ils ont rentré du grain tout l’après-midi. À neuf heures, chacun prend sa chambre.


Septembre le 1ère. Beau soleil et chaud.
À huit heures et trente minutes [de l’]avant-midi, nous partons pour aller visiter [Saint-Ferdinand-de-]Halifax. Nous sommes arrivés au village à onze heures. Nous allons prendre le dîner avec Mme Boucher (Charlotte Hamel) [sic]. Elle a bien du trouble. Chez Modeste et Marceline restent avec elle. Modeste occupe la meilleure partie de la maison. Marceline part vendredi pour l’hôpital suivre un traitement pour ses yeux.
Je suis allé chercher le baptistaire d’Henriette qui se trouve changé de nom. Elle
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prend celui d’Hélène. Nous sommes allés visiter l’église où Hélène a été baptisée et a fait sa première communion. Nous sommes allés visiter la première terre que le père Simon Lamontagne a occupée où Hélène est venue au monde et, au deuxième rang, nous avons vu où elle a été à l’école.
Nous nous rendons coucher chez Janvier. Philias Blouin vient frapper à la porte pour avoir l’assistance de quelqu’un. Sa femme est malade.


Septembre le 2. Le temps est sombre.
À neuf heures, nous nous rendons chez Narcisse. Le soleil commence à paraître. Je me rends au champ. Narcisse est occupé à arracher des grosses pierres avec une machine traînée par deux paires de boeufs. Il lui faut ajouter une paire de chevaux pour les rendre déclination. La récolte avance beaucoup, les fermiers achèvent de couper leurs grains. À cinq heures du soir, Joseph Girard fait boucherie.  Il tue un beau lard de quatre cents livres pesant. Le temps se tient
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sombre. Les messieurs Letourneau et leurs dames viennent passer la soirée avec nous autres. Ils retournent dans leur famille à onze heures. Il fait bien noir.


Septembre le 3. Le temps est froid et sombre.
À neuf heures du matin, Julie [probablement, Julie Girard] vient nous conduire chez Joseph Gagnon au huitième rang. Les garçons sont occupés à enlever de grosses pierres, partout on voit de gros travaux qui se sont faits pour faire disparaître les grosses pierres. À trois heures de l’après-midi, Julie retourne chez elle. Nous passons la soirée à jouer aux cartes, mais la partie n’est pas bien belle. On fait de vilaine affaire qui se nomme en Canada « Bibitte ». À neuf heures et demie, on se couche. Il fait froid.


Septembre le 4. Beau temps, mais froid. Il a fait une gelée blanche.
À trois heures de l’après-midi, Joseph Gagnon vient nous conduire chez Eusèbe Lamontagne. Tout va bien. Le soir, on joue encore aux cartes, seulement les quatre vieux.
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On s’amuse très bien. On fait des bêtes pour le besoin de la famille. À minuit, on se couche.


Septembre le 5. Beau soleil et froid. À huit heures du matin le temps se couvre, mais à neuf heures du matin il fait beau soleil et chaud.
À dix heures, on se rend chez Joseph Bourassa. Il est au neuvième rang. Il est allé approcher des billots au moulin à scie avec ses deux garçons. À cinq heures et trente minutes, il fait beau et chaud. À huit heures et trente minutes, Joseph arrive du moulin. À neuf heures et trente minutes, on se couche.


Septembre le 6. Nuageux. À huit heures du matin, beau soleil.
Il prépare la voiture pour nous conduire à l’église entendre la messe. Après la messe, nous allons prendre le dîner chez Joseph Fortier. Lazare Côté prend le dîner avec nous autres. Il arrive de le Baie St-Paul, où il est allé conduire M. ----- à l’Asile des Aliénés. À cinq heures, nous nous rendons chez Louis Lemay prendre le souper. Le soir, tous les voisins
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viennent passer la soirée avec nous autres.


Septembre le 7. Le temps est bien froid.
Tous les gens sont occupés à rentrer du grain, la moisson est avancée. Nous sommes allés prendre le dîner chez Flavien Côté. Nous avons parlé de Sanford [et] de son fils Flavien. Dans le courant de l’après-midi, nous sommes allés rendre visite à chez M. Provencher et chez Joseph Côté. Après quoi, nous nous rendons chez Honoré Grenier. Nous sommes allés visiter la terre que Damase [Demers, un frère de Télesphore] occupait lorsqu’il est parti pour Minneapolis, Minnesota. Nous avons passé la soirée chez Honoré Grenier. Le temps se tient toujours froid.


Septembre le 8. Le temps est brumeux et froid, mais à huit heures il fait beau soleil et plus chaud.
À neuf heures du matin, nous nous rendons chez M. Provencher pour prendre le dîner avec eux. À une heure [dans l’]après-midi, nous nous rendons chez Luc Gosselin. Il y a une assemblée de conseillers, mais il n’y a pas de
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« quorum ». Je parle avec Orelle Laventure, qui est toujours vieux garçon et bien toujours le même. Mme Guillaume Gosselin a bien du trouble avec sa jeune famille composée de trois petits « cochons » qu’elle fait boire à la cuillère. C’est une dure djob. À sept heures du soir, nous nous rendons à l'église assister à la prière.  À neuf heures et trente minutes du soir, on se couche.


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Chez Damase Demers, un frère de Télesphore, vers 1885-90.
Assis : Rebecca Lantagne Demers avec Arcille, Amanda, et Damase avec Napoléon.
Debout : Damase, fils, Marie Delia et Calixte.
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Septembre le 9. Temps sombre.
À six heures et quarante minutes du matin, M. le Curé va donner la Sainte Communion au grand-père Bédard que demeure chez son fils, Louis. À huit heures et trente minutes, nous allons rendre visite à chez Louis Garneau. Nous prenons le dîner avec eux autres. Ils paraissaient bien contents de nous voir. Nous les avons trouvés bien vigoureux pour des vieux de leur âge.
À une heure [dans l’]après-midi, nous nous sommes rendus chez Louis Bedard. Le grand-père fait pitié à voir, il ne peut plus marcher. Il [ne] se traîne que bien difficilement avec une chaise
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et il est bien sourd. Il paraissait content de nous voir. Louis était occupé à la culture du grain de sorte qu’il a parlé avec moi tout l’après-midi.  
Après-souper, ils viennent nous conduire chez Narcisse. Il est neuf heures du soir, ils sont couchés. Il a fait une journée bien chaude avec un gros vent. Le temps est bien emboucané, et il y a une forte odeur de boucane aussi.


Septembre le 10. Beau et chaud, le soleil est rouge, et il y a une forte odeur de terre brûlée.
À onze heures avant-midi, Narcisse a fini de couper son grain. Il y a du feu partout - Coleraine, Disraeli, Garthby, Stanfold. La boucane est assez épaisse que nous ne voyons pas d’une concession à l’autre. Après-dîner, nous nous rendons chez Janvier. Ils sont occupés à la récolte des patates qui est très bonne. J’ai rencontré un Russe, M. Charles Fortier, un colporteur assez bien mis qui parle et écrit six langues.  Il est arrivé au pays
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que depuis deux ans. Le soir, chez Narcisse, chez Assène et Philias Blouin sont venus passer la soirée avec nous autres.


Septembre le 11. Beau et chaud.
Il n’y a pas de rosée le matin depuis huit jours. Ce matin, nous ne voyons pas au septième rang vu la quantité de boucane. À huit heures avant-midi, je me rends à l’autre bout de la terre de Janvier râteler de l'avoine. À midi, le train commence à ralentir et à trois heures de l’après-midi, je me mets en grève. J’en ai assez pour mon compte.
Après-souper, Janvier vient nous conduire chez Joseph Bourassa. Nous arrêtons chez Narcisse en passant leur dire « bonsoir ». À six heures et trente minutes, nous arrivons chez Joseph Bourassa. Janvier reste à passer la veillée avec nous autres et chez Eusèbe Lamontagne sont venus aussi. Nous avons veillé jusqu’à dix heures. La boucane est presque toute disparue. Nous voyons les voisins.

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