A family history blog in French and English

Sanford-Springvale, Maine, Railroad Station, early 1900s. Collections of the Sanford-Springvale Historical Society.

Partie 6 : Saint-Fortunat à Sherbrooke, Berlin Falls, Lewiston et Sanford

Septembre le 12. [Le temps] est beau et froid.

        On se prépare pour
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Saint-Camille. Je règle mes affaires avec Joseph Bourassa. À neuf heures du matin, je pars avec George Bourassa, et Hélène doit se rendre avec Donat Girard. À une heure [de l’]après-midi, nous sommes à Ham-Sud. Donat et Hélène ne nous ont pas encore rejoints. Nous parcourons quatre milles de chemin le pas du cheval, mais personne ne vient encore. Nous avons notre valise. Les chemins sont bien secs, la poussière joint à la boucane nous aveugle. Il fait bien chaud.


Hermenegilde Lamontagne, fils de Janvier et Marguerite, et Donat Girard, 
fils de Narcisse et Julie, vers 1905-10.
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     À trois heures de l’après-midi, nous arrivons chez Napoléon Dubois. Ils sont très bien. Le feu les entoure et il y a du feu partout [dans] la paroisse. Depuis lundi, tous les hommes sont occupés à garder le feu. Hier, ici, ils ont beaucoup craint pour leurs bâtisses, mais aujourd’hui, elles sont hors de danger. À cinq heures et quinze minutes, Donat arrive avec Hélène. Ils sont passés par le village qui était bien menacé par le feu. Une vingtaine hommes sont occupés à garder le feu qui est près de bou-
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cher le chemin. Le soir, on joue aux cartes jusqu’à onze heures. La partie est belle.

Septembre le 13. Beau soleil et chaud, pas de rosée.

        À huit heures et trente minutes, nous partons avec Napoléon pour aller à la messe. Nous nous rendons chez Gédéon Girard. Il est parti avec une équipe d’hommes pour aller garder le feu près d’un chantier de bois de pulpe. Ils espèrent le sauver. Tous les gens parlaien du feu. Les vieux Dubois sont encore alertes pour leur âge. Ils sont très bien.

        À douze heures et vingt minutes, nous sommes de retour de la messe. Il fait bien chaud, on se met à l’ombre pour manger des pommes durant notre voyage. Les arbres sont chargés. Nous voyons du feu partout. À trois heures de l’après-midi, le feu s’allume d’une souche à l’autre, il est rendu près des bâtisses de Louis Aubin. Napoléon et moi, on se rend sur les lieux. Plusieurs hommes sont là pour protéger les bâtisses. À huit heures du soir, il fait un gros vent qui rallume le feu encore

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davantage. Nous voyons des gros feux près d’ici. Le soir, on joue aux cartes jusqu’à dix heures, ensuite vient la prière en famille, et on se couche.

Septembre le 14. Beau soleil et beaucoup de boucane, le temps est froid.

        À neuf heures du matin le feu s’allume. On voit de gros feux à différents endroits. À quatre heures [dans] l’après-midi, George Bourassa part pour retourner chez lui. Sa voiture traînée par une pouliche de quatre ans laissée libre à la porte part pour s’en aller. La voiture accroche à un arbre et la pouliche sort de son harnais. Heureusement que la voiture n’est pas brisée. Il répare son harnais et part. Le temps est beau et froid. Napoléon bat des fèves au fléau. Toute sa récolte est battue. Les récoltes sont toutes finies et en partie battues dans toute la paroisse. Il fait un bon vent. Il y a beaucoup de feu à l’autre bout des terres. Donat Girard et Aurore Dubois arrivent pour souper avec nous autres et passent la soirée. Gédéon Girard et sa

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femme arrivent à huit heures. Le temps se tient beau et froid. Le feu se calme. Nous jouons aux cartes jusqu'à dix heures et trente, ensuite la prière à onze heures, et on se couche.

Septembre le 15. Beau temps clair, assez chaud.

        [De l’]avant-midi, on va visiter la terre de Napoléon. Il a une belle terre et une belle petite sucrerie. Ici, le feu n’a pas causé beaucoup de dommage, seulement les clôtures de brûlées, mais les voisins des deux côtés ont à souffrir de gros dommages par le feu. À deux heures de l’après-midi, je vais au village avec Napoléon. Je reçois une lettre de Sanford. Plusieurs voitures sont occupées à charroyer le bois scié près du moulin pour le transporter dans un champ éloigné du feu. À six heures, nous sommes de retour. Après-souper, nous allons jouer aux cartes chez M. Bergeron, un voisin. Nous avons veillé jusqu'à dix heures.

Septembre le 16. Beau temps et froid, beaucoup de boucane.

        À neuf heures, nous arrachons

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des patates. À midi, nous les rentrons dans la cave. Après quoi, on nous sert un dîner de choix - soupe aux pois, galette de sarrasin, blé d’inde bouilli, et patates cuites avec la pelure. Après-dîner, nous travaillons aux patates jusqu'à trois heures. Ensuite, nous prenons congé, je suis fatigué. Paul va au village faire moudre du sarrasin nouveau. Demain, nous allons avoir de la « galette » nouvelle. Le feu [est] encore dans les forêts, beaucoup d’hommes le combattent. Le soir nous allons passer la veillée chez Mme Laroche. Nous avons joué aux cartes jusqu'à dix heures.

Septembre le 17. Il fait encore beau soleil, le temps est chaud. Il y a beaucoup de boucane. À dix heures [de l’]avant-midi, on voit à peu près dix arpents en avant de nous autres.

        Nous partons pour aller à Lime Ridge visiter le fourneau à chaux. En arrivant à Dudswell, nous voyons plusieurs beaux vergers qui sont complètement détruits par la gelée, tous les arbres sont secs.

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C’est une petite place bien gaie. Nous sommes allés prendre le dîner à l'hôtel. J’ai fait la rencontre de M. Pierre Laitres et A. Camiré, autrefois de Sanford. À quatre heures, nous sommes de retour. Il fait bien chaud. Après souper, les femmes partent pour aller chez M. Adelard Raiche voir leur bébé qui est mort du matin. Je garde la maison avec Napoléon. Nous jouons aux cartes jusqu’à neuf heures. Les femmes arrivent. Nous faisons prière [et] à dix heures on se couche.

Septembre le 18. Beau et froid, la boucane est assez épaisse que c’est à peine si nous voyons les voisins. À sept heures [de l’]avant-midi nous voyons le soleil.

        Paul part pour aller mener le lait à la fromagerie. À neuf heures, il est de retour et à dix heures, nous partons pour aller chez Gédéon Girard avec chez Napoléon. Les vieux Dubois sont bien. Après-dîner, nous jouons aux cartes. À quatre heures, le tonnerre gronde, mais pas de pluie. À six heures, il nous arrive un
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petit orage qui soulage beaucoup de gens occupés par le feu. Gédéon arrive, il a passé la journée à combattre le feu. Après l’orage, chez Paul retourne chez eux et nous restons chez Gédéon. Nous avons joué aux cartes d’Ambition jusqu'à onze heures et quarante-cinq minutes. Ensuite, on fait la prière en famille.

Septembre le 19. Pas de rosée, beau temps, clair et froid.

        À neuf heures du matin, Gédéon me fait visiter le village et on se rend sur sa première terre qu’il a occupée à Saint-Camille. C’est une belle terre. À trois heures de l’après-midi, Gédéon vient nous conduire chez Paul. Il est occupé à arracher des patates. Nous voyons un gros feu de forêt qui nous paraît à Weedon, et partout nous voyons du feu dans les forêts. Le temps se tient froid. Nous allons passer la soirée chez M. Léon Raiche. Sa femme est au lit depuis vingt ans, mais elle est bien gaie. Elle paraît courageuse. Ils paraissent bien vivre. Ils ont élevé une famille

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et ont de l’argent en banque. Nous avons pris une bonne partie de cartes, nous avons joué jusqu’à onze heures.

Septembre le 20. Beau soleil, la boucane nous fait mal aux yeux. Il y a une gelée blanche.

        À huit heures et trente minutes du matin, nous partons pour aller à la messe. Tous les gens parlent du feu. Après la messe, deux encans sont criés pour cette semaine. Ce sont des gens qui partent pour les États-Unis. Ici, le temps est assez dur. À deux heures [dans l’]après-midi, le feu court dans la prairie et avance vite. Le feu fait rage. M. Joseph Beaubien et sa dame viennent passer l’après-midi ici, ce sont des gens bien amusants. Le soir, nous avons une bonne partie de cartes jusqu'à onze heures et, ensuite, la prière.

Septembre le 21. Beau temps clair, mais s’annonce la pluie.

        [Dans l’]avant-midi, Paul rentre ses dernière patates. La récolte n’est pas fameuse, vingt minots pour toute richesse. À une heure [de l’]après-midi, nous allons à un encan au village un fond de

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magasin, [le] ménage [et le] stock de cultivateurs. Les vaches se sont vendu[es] de seize à vingt piastre[s] ; un cheval, trente piastres et cinquante centins. Le temps est chaud. Après-souper, on joue aux cartes.

Septembre le 22. Le temps est brumeux, petite rosée ce matin, et c’est à peine si nous pouvons voir à cent pieds devant nous.

        À huit heures, nous voyons le soleil qui se montre bien rouge à travers la boucane. Paul est occupé à faire ses préparatifs pour l’exposition qui doit avoir lieu demain. Il tue des poulets pour le dîner. Toute la journée, nous voyons du feu partout. La journée est bien chaude. À six heures, nous partons pour aller mener une charge de produits sur le terrain de l’exposition. Nous sommes de retour à neuf heures, et à dix heures, la prière. Après quoi, chacun prend sa chambre.

Septembre le 23. Beau et chaud.

        À huit heures, nous partons pour l’exposition. Paul emmène une vache à lait, une taure de deux ans et une

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pouliche de trois ans. Il rapporte six piastres de prix, et Gédéon Girard en rapporte onze. Pour une petite exposition de campagne, nous voyons de bons animaux, un étalon de deux mille livres a été exhibé aujourd’hui, et dans le département des Dames, nous voyons de jolis ouvrages à la main.

La journée s’est passée dans le plus parfait ordre. Les députés du Comté, ainsi que M. Champoux, nous faisaient l’honneur de leur présence. Mme Champoux a fait cadeau de douze piastres au département des Dames pour prix spéciaux. Après la distribution des prix, les députés, Messrs Tobin et Tanguay, ainsi que M. Champoux, ont adressé la parole au public pour les féliciter de l’intérêt qu’ils ont porté à l’exposition et du bon ordre qu’ils ont constaté pendant la journée. Nous avons pris le dîner et le souper chez Gédéon Girard. La journée a été bien chaude. À cinq heures, il nous arrive un petit orage seulement pour abattre la poussière. À six heures,

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nous sommes de retour chez Paul. À huit heures, Hélène dort sur sa chaise, de sorte que nous faisons la prière et allons se reposer.

Septembre le 24. Temps sombre, assez chaud, un peu de rosée ce matin. À onze heures, il vient une petite ondée.

        À trois heures, nous partons pour le village. Nous nous rendons chez Gédéon Girard chercher les effets de l’exposition. Nous sommes de retour à six heures. Après-souper, nous allons rendre visite à Mme Laroche. Mme Edmond Bourque et sa fille sont en promenade. La grand-mère est de retour d’une promenade. Elle paraît encore alerte malgré ses quatre-vingts ans. Ils paraissent à faire une bonne vie. Nous avons pris une bonne partie de cartes jusqu'à dix heures. À dix heures et demies de retour, il fait beau. Nous faisons la prière [et] chacun prendre sa chambre.

Septembre le 25. Temps brumeux avec grosse rosée.

        À huit heures et quarante minutes, nous partons pour Saint-George[-de-Windsor]. Nous voyons de

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grands brûlés dans des vieux bûchers. Nous voyons des gens occupés à nettoyer ces brûlés. La terre reste nette prête à ensemencer. Le feu est arrêté près de bâtisses.

À onze heures et trente minutes, nous arrivons à Saint-George, chez M. le Curé [Émile O.] Plante [l’ancien curé de Saint-Fortunat] qui nous montra beaucoup d'amitié. Quand il parle de Saint-Fortunat, il fait encore une « micouenne ». Il a une belle église. C’est aussi une belle place. Nous avons pris le dîner avec lui, après quoi nous sommes allés faire une visite à la salle d’exposition.

À trois heures [dans l’]après-midi, nous nous sommes embarqués pour Saint-Camille. Nous avons passé par Wotton. Nous avons vu une belle église. Ils ont aussi un joli village. Nous voyons de bons habitants, mais nous voyons du feu de forêt partout et même près du village. À six heures et trente minutes, nous sommes de retour. Il y a de gros feux près d’ici. Gédéon Girard et sa dame viennent passer la soirée avec nous autres. Nous jouons aux cartes jusqu'à dix heures et trente

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minutes. Ensuite la prière. La journée a été bien chaude.

Septembre le 26. Beau temps, le soleil est rouge.

        À huit heures et trente minutes, nous partons pour Lime Ridge. Nous arrivons à la station à dix heures et vingt minutes [de l’]avant-midi. Nous voyons du feu partout le long de la route et de gros dommages causés par le feu. À midi et dix minutes, nous laissons Lime Ridge pour se rendre à Sherbrooke.

        Nous sommes arrivés à deux heures [de l’]après-midi. Nous nous sommes rendus chez Ferdinand Lamontagne, des cousins qui ne nous connaissent pas, mais nous avons vite fait la connaissance. Après-souper, nous prenons une marche dans la ville que je trouve bien changé. Ferdinand a une jolie petite maison. Il travaille pour une compagnie. Il gagne une piastre et vingt-cinq centins par jour. Il a une bonne famille, il a trois de ses garçons qui sont plombiers et deux qui sont mouleurs. La journée
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a été bien chaude. À dix heures, la prière.

Septembre le 27. Beau soleil, temps chaud.

        Nous allons à la messe de huit heures et trente minutes [de l’]avant-midi. Aux sorties de l’église, nous allons visiter la bâtisse des soldats. C’est bien grand, belle bâtisse en briques. Nous voyons aussi beaucoup de manufactures en briques. Joseph Garneau vient nous montrer ses deux maisons. Après-dîner nous allons faire le tour de la ville, jolie petite ville bien propre. Nous avons visité la cathédrale [et] l'église Saint-Jean-de-Baptiste. Nous avons aussi remarqué le Palais de Justice et la Post Office. Nous allons prendre le souper chez Joseph Garneau. À neuf heures, nous revenons coucher chez Ferdinand Lamontagne.

Septembre le 28. Temps brumeux, nous voyons le soleil bien rouge.

        À six heures et trente minutes [de l’]avant-midi, je pars pour aller voir mon oncle Remi Legendre [un frère de Marie Legendre Lamontagne, la mère d´Henriette Lamontange Demers]. Le premier homme que je rencontre dans la cour du Québec Railroad, Peters Persçon [sic] [peut-être Pearson] est venu me conduire

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chez M. Couture. À neuf heures [de l’]avant midi, je me rends chez mon oncle avec ma femme. Mon oncle a quatre-vingt-cinq ans. Il est encore bien frais mais un peu sourd. M. Couture à la charge des engins dans la cour des Q.R.R. J’ai vu aussi Mme Côté, une cousine de quatre-vingt-deux ans. Elle est un peu brisée, mais elle possède encore toutes ses facultés mentales comme une jeune personne.

        À cinq heures [de l’]après-midi, nous retournons chez Ferdinand Lamontagne. À neuf heures du soir, leur fille, Mme Royer, arrive avec ses enfants de Sawyerville. Elle se sauve du feu. Il y a aussi plusieurs familles de Megantic qui débarquent ici [pour] peur du feu.

Septembre le 29. Temps froid et sombre.

        Nous avons eu un bon orage pendant la nuit qui a fait beaucoup de bien. Un petit incident au déjeuner. Mme Lamontagne est à déboucher un bouteille de vin de sirop blanc. Les trois quarts de la bouteille monte au plafond et tache tout le plancher.

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À onze heures et trente minutes [de l’]avant-midi, nous laissons la Gare de Sherbrooke pour se rendre à Berlin Falls. Le temps est froid. Je me suis approvisionné de quatre superbes bouteilles de brandy en destination pour les États-Unis. Je n’ai pas eu de trouble à passer le frontière.

À trois heures [de l’]après-midi, nous arrivons à Berlin Falls. Nous nous rendons chez Joseph Lambert [un fils de François Xavier et Julie Lamontagne Lambert, et le mari de Delienne Aubin]. Nous les trouvons tout bien en bonne humeur. À quatre heures et quarante minutes, je prend une marche pour me délasser un peu. Je m'arrête sur le pont écrire ces notes.



Berlin, N.H., le mont Washington au fond. Vers 1905-15.

Digital Commonwealth, Massachusetts Collections Online:

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La rivière coule assez pour faire une brume dans les chutes. On voit aussi de gros nuages épais comme à l’automne. Mme Teles[phore] Lambert [la femme d'un autre fils de François X. Lambert] et sa fille Albertine viennent passer la soirée avec nous autres. Nous parlons de relever les familles Lambert et Demers. À dix heures et trente minutes, nous faisons la prière.


À droite : Joseph Lambert et sa femme Delienne Aubin, vers 1895.

À gauche : Hilaire Aubin et sa femme Marie Demers, une sœur de Télesphore Demers.
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Septembre le 30. Beau temps, froid, gelée blanche.

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À six heures et trente minutes du matin, je vais à la messe avec ma soeur, Marie. À huit heures [de l’]avant-midi, je prends une marche avec Jos[eph]. On se rend au Bureau de Poste, ensuite à son vieux magasin et, de là, nous montons chez Édouard Lambert [un autre fils de François X. et Julie Lamontagne Lambert]. Il est au lit. Sa femme le fait lever. Il est premier conducteur de nuit sur le moulin à scie. Nous parlons de notre jeune temps quand on voyageait de Saint-Fortunat à Somerset à pied. On en ferait pas autant aujourd'hui avec nos vieilles jambes.

Nous prenons le dîner chez Édouard. À trois heures, nous retournons chez Édouard, et je fais venir ma valise qui arrive à quatre heures et trente minutes. Après souper, nous prenons une chaude partie de cartes, le Whist. Je joue avec Marie, et on leur donne du temps dur. À dix heures, nous faisons la prière.


Les hommes Lambert, vers 1885-90. 
Assis : Télesphore, le patriarche François Xavier, and Cyrille Lambert. 
Debout : Joseph, Calixte, Edouard, and Olivier Lambert.
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Octobre le 1èr. Beau temps et gelé. Nous voyons le soleil à travers la brume.

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        À huit heures et trente minutes, nous assistons aux funérailles d’un vieux garçon et à onze heures et trente minutes autre funérailles, un M. Landry de Rumford Falls [maintenant Rumford, Maine]. À deux heures [de l’]après-midi, nous nous rendons chez Édouard. Nous allons prendre une marche. Nous arrêtons voir Lodivine et Virginie, Mme Désilet (Madame Désilet) [sic] [une fille de François X. et Julie Lamontagne Lambert], le long du trajet. Édouard me conte son histoire avec de Champlain. Édouard a été arrêté et actionné pour la somme de deux milles piastres pour avoir trop parler contre la compagnie, mais à l’approche du terme de Cour, de Champlain a retiré son action, payé tous les frais et a supplié Édouard de ne rien faire. À six heure du soir, Joseph part pour Grofton[, New Hampshire], un chantier qui vient d’être saisi, et il était leur fournisseur de provisions. Désilet et sa femme viennent passer la soirée avec nous autres.

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Les femmes Lambert, vers 1900-1905. 

Assis : Henriette, femme de Cyrille Lambert, et la matriarche Julie, 
femme de François Xavier Lambert. 

Debout : Adele Huot, femme de Télesphore Lambert, fils, Virginia Lambert, 
femme d'Alfred Désilet, Lucias Lambert, femme de Gustave Choquette, 
Marie Martel, femme d'Edward Lambert, Adeline Roberge, femme de Calixte Lambert, 
et Delienne Aubin, femme de Joseph Lambert.
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Octobre le 2. Pluie bienfaisante ce matin.

        Hier, il y a eu [une] excursion aux Montagnes Blanches. Il est regrettable que nous ne l’ayons pas appris, on y aurait pris part. À huit heures [de l’]avant-midi, Joseph arrive de Grofton. Il a fait un bon voyage. La compagnie va lui donner deux cents piastres par mois. À onze heures, nous partons pour aller rendre visite à chez Désilet. Nous prenons une partie de cartes. Ils paraissent à faire une belle vie. Le revenue de leur bloc leur donne cinquante piastres par mois. Ils ont un cheval pour se promener.

         Ce soir, je joue aux cartes avec Cyrille [le fils aîné de François X. et Julie Lambert]. Il a bien de « l’atout ». Il travaille toujours pour se remarier. Il a une veuve à Lewiston[, Maine] en vue. Elle a trois garçons et une petite fortune. Depuis six mois qu’il rôde autour et lui parle de mariage, mais ça [ne] « colle » pas vite. À dix heures et trente minutes du soir, la prière.

Octobre le 3. Beau soleil et froid.

        Le hommes ont leurs mitaines et leurs pardessus. Les Montagnes Blanches sont couvertes de neige. C’est
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ici que j’ai rencontré le meilleur barbier de mon voyage. À onze heures [de l’]avant-midi, nous nous rendons chez Edouard passer le reste de la journée. À six heures du soir, Edouard part pour aller prendre l’ouvrage pour toute la nuit. Je suis allé avec lui visiter le moulin. Il m’a conduit partout. Cela vaut la peine d’être visité. Les billots partent de l’eau et se rendent dans la scie sans que personne y touche. Ils sont cantés par machine. Tous les cousins et petits cousins travaillent ici. Le temps, s’est tenu froid toute la journée. À onze heures et trente minutes, la prière.

Octobre le 4. Le temps sombre et froid. À dix heures [de l’]avant-midi, beau soleil.

        Nous assistons à la messe, grande messe solennelle, en partie [a été l’]ouverture des quarante heures. Après-dîner, je me rend à la chambre de Cyrille avec Edouard et Joseph. Nous parlons de notre jeunes temps [et] nos premières rencontres. À quatre heures, nous revenons chez Joseph. Nous prenons
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le souper. Tous les parents ensemble et notre entretien est toujours sur les années passées du temps que j’habitais [à] St-Fortunat et eux autres, Somerset. Nous jouons aux cartes toute la soirée. Les trois frères Lambert et moi jouons à la même table au salon. Virginie n’est pas chanceuse, elle perd toujours. Ce n’est pas drôle, elle n’a pas de façon quand elle perd. À dix heures et trente minutes, la prière.

Octobre le 5. Beau soleil, temps froid.

        Les ouvriers ont leurs mitaines et leur pardessus pour aller à l’ouvrage. Marie et Delienne vont à la messe. Ce matin la fabrique de papier, le National, qui employait six cents personnes, a ouvert ses portes après une grève de deux mois. Tous les ouvriers se sont rendus à l’ouvrage à l’exception des finisseurs. À trois heures [de l’]après-midi je me rends chez Edouard. En prenant une marche, nous faisons rencontre de Monsieur

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        Frizette de la New England Company. Il voulait lui vendre des parts vue les troubles qu´ils lui ont fait. Vous avez vu le lion et le cheval, moi, j’ai fait le mouton. Ils ont fini par se dire des gros mots. Lambert dit que Monsieur à seize milles piastres de part et Frizette dit qu’il en a aucune. À six heures et trente minutes du soir, [la] prière à l’église. Après la prière, je me rends chez Bedard et aussi « Chez Memère Houle ». Ils ont quatre petits enfants.

Octobre le 6.

        À cinq heures et trente minutes, je me rends à l’église entendre la messe et recevoir la Sainte Communion dans l’intention de faire mes quarante heures. À huit heures et quinze minutes, je retourne à l’église assister à la fermeture des quarante heures. Beau soleil et chaud. À deux heures [de l’]après-midi, nous nous rendons chez Lemieux, gendre d’Edouard. Après souper, Hélène vient avec nous autres visiter le moulin à scie. Elle n’avait jamais vu d’aussi bonnes machines. C’est un

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des meilleurs moulins d’Amérique. De retour, nous avons joué aux cartes jusqu’à dix heures, après quoi, nous retournons chez Joseph pour coucher. C’est ici notre chez nous pour la nuit. Joseph a du trouble avec ses commis.

Octobre le 7. Beau temps, froid, beau soleil.

        À neuf heures [de l’]avant-midi, nous assistons aux funérailles d’un jeune homme de dix-neuf ans, [un] service de première classe. À dix heures [de l’]avant-midi, Cyrille vient nous rendre visite. Il passe la journée avec nous autres chez Joseph. Il me fait part de ses peines. Il me parle de la maladie de sa femme, aussi de sa morte, depuis qu’il est veuf. Il a bien du trouble, ses enfants lui tournent le dos après avoir dépensé son argent et ne sont seulement pas assez gentils de lui remettre. À deux heures [de l’]après-midi, nous sommes allés visiter le moulin de la Cascade. C’est un moulin qui a coûté quatre millions de piastres. Il possède quatre machines

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à papier de treize pieds et quatre pouces. Nous sommes entrés là où il coupe le bois et nous sommes sorti là où il coupe le papier à gazette. Nous avons trouvé cela beau à visiter. Hélène et Delienne se rendent à Gorham[, New Hampshire,] faire une promenade. Le soir, nous allons passer la soirée chez M. Bouchard. À dix heures et trente minutes, la prière.

Octobre le 8. Beau soleil et chaud.

        [De l’]avant-midi, j’écris aux enfants de Sanford et aussi à mon frère Théodore à Lewiston, ensuite je me rends à la boutique de barbier occupée par un des garçons de Jules Fortier de Sainte-Hélène-de-Chester, chez qui me fais raser. [De l’]après-dîner, nous sommes allés faire le tour de la ville. Nous sommes entrés visiter le cimetière qui est en bien mauvais ordre. On dirait d’un champs abandonné s’il n’était pas enrichi de monuments. J’ai vu le monument de feu le Curé Cournoyer. Nous sommes de retour à quatre heures [de l’]après-midi.

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        Edouard nous accompagnait. Il m’invite d’aller prendre le souper avec lui et nous revenons veiller chez Joseph. Nous nous préparons pour partir demain pour Lewiston. Chez Désilet viennent jouer aux cartes avec nous autres. Nous avons pris une bonne partie. À dix heures et trente minutes, la prière.

Octobre le 9. Le temps est sombre et froid.

        Hélène assiste aux funérailles d’un jeune homme de la campagne. Moi, je me rends avec Joseph chez un barbier à l’hôtel. À dix heures [de l’]avant-midi, le temps [est] sombre. Notre valise est rendue à la station. À trois heures dans vingt minutes, nous nous rendons à la station. Delienne et Marie nous accompagnent. À trois heures, nous laissons Berlin Falls pour se rendre à Lewiston. Nous sommes arrivés à cinq heures et trente minutes [de l’]après-midi. Théodore nous attendait à la gare. Nous trouvons cela bien triste. À là


Trois frères Demers dans les années 1900s.

Assis : Théodore et Damase. Debout : Télesphore.

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maison, Angèle [Bilodeau, une fille de Théodore] est encore sans mouvement et bien maigre, tout défait par le rhumatisme. [Pierre Bilodeau] reste ici. Il nous tenu compagnie le temps du souper. Albert laisse deux petits enfants ici au soin de la grand-mère. Tous les autres se portent assez bien. Le père Fournier vient jouer aux cartes avec nous autres.


Main St., Lewiston, Maine. 1900.
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Octobre le 10. Beau soleil.

        Angèle reste assise sur sa chaise. Ils la transportent comme un enfant. À neuf heures [de l’]avant-midi, je prends une marche avec Théodore. Nous nous rendons à Auburn chez Joseph [un fils de Théodore]. Nous fumons pendant une heure, ensuite nous revenons chez Théodore. Après-dîner, on se permet un peu de sommeil. Pierre [un autre fils de Théodore] va à la chasse et rapporte un lièvre. Herménégilde [un autre fils] et sa femme ont arrêté nous voir en passant. Le soir, Joseph et sa femme ainsi que le père Fournier viennent jouer aux cartes. Chez Théodore paraissent à bien vivre. C’est ce que je ne peux m’expliquer.
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        Je n’ai pas osé demander qui les faisait vivre. Théodore n’a pas changé, il connaît tout et nous en fait de la loi. C’est surprenant qu’il ne soit pas riche avec ses bons talents. Il devrait être millionnaire.

Octobre le 11. Une bonne pluie pas trop froide nous arrive ce matin.

        Je vais à la messe de dix heures et trente minutes [de l’]avant-midi. Herménégilde et sa femme viennent prendre le dîner avec nous autres. À une heure [de l’]après-midi, nous sommes allés faire une visite au Lac à Parent, c’est une jolie petite place d’amusement. Nous voyons une quantité de petit vaisseaux de tout genre. Nous passons par les belles résidences privées d’Auburn et nous nous rendons sur la montagne Davis. Nous nous rendons chez Joseph prendre le souper. Nous avons quatre générations réuni - Théodore, son garçon [Joseph], sa fille [Amanda Demers Juneau], et le bébé [Roland].

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        Nous prenons le Champagne [du Canada] et nous jouons aux cartes. Tout de parenté réunis. Il fait bien beau depuis midi. À onze heures et cinq minutes du soir, nous laissons les cartes pour retourner chez Théodore.

Octobre le 12. Beau soleil, un peu froid avec un gros vent.

        À dix heures [de l’]avant-midi, nous nous rendons chez Joseph. Il nous fait visiter tout l’établissement - la forge, la boutique à bois et à la peinture, ainsi que le magasins de voitures. C’est une bâtisse de quatre-vingt-quinze pieds sur quatre-vingt à quatre étages. Après-dîner, nous sommes allées faire une promenade en char électrique. Nous nous sommes rendus à Bath, Maine. Nous avons parcouru une distance de trente milles. Pendant le trajet nous avons passé deux villages, le premier possédait des manufactures et le second, Brunswick, des moulins de papier. C’est un bon village de Canadiens. Ils ont le plus beau cimetière que

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je n’ai pas vu de mon voyage. Bath est un port de mer. Les gros vaisseaux peuvent entrer. Ils traversent les chars en bateau. À North Bath, c’est une belle place d’été. Nous sommes de retour à six heures et trente minutes du soir. Après-souper, nous jouons aux cartes jusqu’à dix heures.

Octobre le 13. Beau temps grosse gelée à glace.

        Hélène va visiter l’église et rend aussi visite aux enfants de feu Évangéliste Demers [un frère de Honoré Demers et un cousin germain de Télesphore]. À onze heures [de l’]avant-midi, nous nous rendons chez Théodore et à une heure et trente minutes [de l’]après-midi, Joseph vient me chercher pour aller voir une place d’été à treize milles d’ici. Une compagnie possède un « camp » de terrain tout divisé par lot auprès d’un lac et seulement à un mille des chars électriques. Ce terrain se trouve dans le comté de Kennebec. C’est la première journée que les chars se rendent à Augusta. À mi-chemin, [il y a] un lac et un petit village. À six heures

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et trente minutes, nous sommes de retour chez Théodore. Nous avons eu une belle journée assez chaude pour la saison. Les enfants de Théodore viennent passer la soirée avec nous autres. Nous jouons aux cartes jusqu’à dix heures et trente minutes du soir.

Octobre le 14. Beau soleil, plus chaud.

        À neuf heures [de l’]avant-midi, nous partons pour aller prendre une marche. Nous nous rendons à l’embouchure du canal là où sont les pompes de l’aqueduc. Il y a six pompes les plus grosses que je n’ai jamais vu. Le canal a sept pelles qui se ferment au besoin. Sept hommes travaillent là continuellement. À deux heures [de l’]après-midi, je me rends faire une visite à Lazare Lemay. Il a soixante et douze ans. Sa figure est encore bonne mais ces jambes sont bien failles. Il fait la besogne de la maison pour un de ses garçons. Nous nous rendons prendre le souper chez Herménégilde et nous revenons passer la soirée chez Théodore.

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Toute la famille est réunie. Melendé Richard et son mari M. Ouellette sont du nombre des invités. Nous jouons aux cartes jusqu’à dix heures, après quoi nous nous donnons la main avec des bons souhaits vu que c’est la dernière soirée que nous passons ensemble.

October le 15. Beau soleil et chaud.

        Nous ramassons notre linge et faisons nos préparatifs de départ. À neuf heures et quarante-cinq minutes, notre charretier arrive et à dix heures et vingt minutes [de l’]avant-midi nous laissons la ville de Lewiston pour se rendre à Sanford. À onze heures et quarante-cinq minutes, nous sommes à Portland et à deux heures et trente minutes nous arrivons à Sanford. Damase Roberge, Albeni Doiron et sa femme, Éva, nous attendaient à la station. Nous parlons de notre voyage.

Debout à gauche, Éva Demers Doiron et Albeni Doiron, et à droite, Damase Roberge. Assis, Andreanna Demers Roberge, la fille cadette de Télesphore et Henriette, 
et l'enfant Romeo Doiron, le fils aîné d'Éva et Albeni.
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        Le soir, tous nos enfants de Sanford et un grand nombre d’amis viennent passer la soirée avec nous autres. Au moins vingt-cinq personnes sont réunies. Tout nous font le compliment que nous avons engraissée à notre voyage, et comme j’avais eu la précaution de me procurer un peu d’eau de vie au Canada, j’en avais conservé pour mon arrivée, quand « l’atout » forçait trop, je leur passais un peu « d’étoffe » du Canada qui est confortable pour rincer la “dalle du cou”.


La maison de la famille Demers, achetèe en 1891, 56 Allen Street, maintenant Pioneer Avenue, Sanford, Maine. Vers 1905. Debout : Adreanna, Odelie, Virginie, Odias et Henriette Lamontagne Demers. Assis sur le perron : Rose et Ernest Reid, les enfants de Virginie.
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Nous avons passé une belle soirée. On jouait aux cartes à deux tables de six personnes chaque. À dix heures et trente minutes, chacun se retire en nous faisant de cordiales invitations.

Avec la soirée, se termine le récit de mon voyage, qui, comme vous le voyez, à été de plus agréable. Notre voyage a coûté à mon portefeuille la jolie somme de cent soixante et quinze piastres. Nous avons parcouru une distance de chemin de mille huit cent quarante-trois milles qui se classent comme suit: Chars à vapeur, mil[le] quatre cent vingt-huit milles ; chars électriques, cent soixante et deux

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milles; bateau à vapeur, vingt milles ; et voitures, deux cent trente-trois milles.

                                                             Télesphore Demers, Sanford, Maine

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